GB_1985

Un peu d'histoire sur... le scaphandre autonome

ou

The Self Contained Underwater Breathing Apparatus (SCUBA)

 

Site web : http://www.spiro-vintage.com/untitled  (par Luca DIBIZA)

Une de mes passions, vous l'aurez compris est la collection de vieux détendeurs de la marque Spirotechnique, symbole du scaphandre autonome et de la plongée sous-marine moderne.

Cependant il me semble nécessaire pour les personnes qui visiteront ce site sans avoir de notion historique sur la plongée moderne, de savoir que tous n'a pas était inventé par un seul homme en 1946, le Commandant Jacques-Yves Cousteau.

 Bien au contraire, l'histoire de la découverte du milieu marin remonte à l'antiquité, mais la grande révolution aura lieu au cours du XIX siècle avec l'invention du détendeur...

Le mot scaphandre a été inventé en 1775 par l'Abbé de la Chapelle pour dénommer son invention, une sorte de gilet de sauvetage en liège  permettant à des soldats de flotter et de traverser les cours d'eau (Photo 1). Scaphandre vient du grec skaphe (barque) et andros (homme), et signifie donc bateau de l'homme.

De nos jours le mot scaphandre ne se réfère plus du tout à l'invention de l'Abbé de la Chapelle mais il est resté dans l'usage de la langue française pour se référer à un ensemble de combinaisons ou de dispositifs permettant à une personne d'évoluer en sécurité dans un milieu qui lui est hostile (exemple: scaphandre pieds lourds, scaphandre autonome ou scaphandre spatiale).

Photo 1

Le premier détendeur de l'histoire est une invention du docteur Manuel Théodore Guillaumet de 1838. Mais il n'est pas autonome, l'air est fourni par une pompe en surface.Il n'incluait donc pas encore de réserve intermédiaire entre l'arrivée d'air et le plongeur.

 

L'histoire du scaphandre autonome commença vraiment dans le département de l'Aveyron le 14 Avril 1860 où un certain Benoît Rouquayrol déposa un brevet pour un « régulateur » destiné à un appareil de sauvetage des mineurs victimes de coups de grisou et de galeries noyées. C'est un détendeur qui fonctionne selon le même principe que celui de Théodore Guillaumet.

 

Le 16 janvier 1862 voit le jour d'un nouveau brevet : l'"Isoleur Rouquayrol" composé du régulateur et d'un masque avec pince-nez et embout buccal en caoutchouc vulcanisé fixé sur un bec métallique. Ce système permet de supprimer le lourd casque de scaphandrier.

 

le 11 mars 1864 Benoît Rouquayrol et Auguste Denayrouze partage un  brevet de réservoir intermédiaire destiné à la version alimentée par pompage, avec pompe manuelle en surface et aussi, en usage alternatif, un réservoir d'air comprimé gonflé à 40 atmosphères pour la version autonome. C'est l'appareil Rouquayrol-Denayrouze (Photo 2), le premier à être destiné à la plongée sub-aquatique. Pour ce brevet de 1864 deux variations du régulateur de 1860 vont se suivre en adaptation à la plongée. Le premier est le type dit « basse pression » (8 et 25 litres), alimenté en air par une pompe et utile autant en milieu marin qu'en milieu minier. Le deuxième modèle est le type dit « haute pression » (35 litres), autonome grâce à une réserve d'air pressurisé à 30 kg et permettant une autonomie d'une demi-heure à 10 mètres de profondeur. Une variante de ce dernier, en fer avec rivets de renfort, pouvait être pressurisée à 40 kg. Afin de protéger le plongeur du froid des profondeurs marines Rouquayrol et Denayrouze créent un habit étanche en toile caoutchoutée, comme celle déjà utilisée par les scaphandriers de cette époque. Des semelles de plombs de huit kilogrammes chacune viennent compléter l'équipement. Le plongeur porte un pince-nez mais aucun équipement n'est prévu pour protéger ses yeux. Les premiers essais sont faits par des plongeurs en apnée d'Espalion qui pratiquent la pêche de poissons piégés à cet effet dans des herbiers sub-aquatiques et qui plongent les yeux grands ouverts sous l'eau sans aucun type de protection. Un appareil de cette génération de 1864 est exposé au Musée du scaphandre d'Espalion. Il est le seul exemplaire connu et encore conservé de l'appareil Rouquayrol-Denayrouze original. C'est la société Piel, héritière à la succession des sociétés Denayrouze et Charles Petit, qui l'a offert au musée.

Le 27 juin 1864, adjonction au scaphandre autonome d'un habit en toile caoutchoutée conçue par les deux associés. Le brevet est déposé en y incluant une petite cloche à hublot unique, pour la tête du plongeur. La cloche se remplit d'air au fur et à mesure des expirations du plongeur.

Mais en 1865 Rouquayrol et Denayrouze constatent que le système de la cloche au remplissage d'air progressif est insuffisant pour la protection des yeux du plongeur et que leur première conception avec pince-nez et sans protection pour les yeux doit être complètement abandonnée au profit d'un système de protection permanente des yeux du scaphandrier. Ils conçoivent un masque facial en cuivre adaptable à l'habit de plongée et qu'ils surnomment « groin » en raison de sa forme. L'air en provenance du régulateur arrive dans le masque par un embout buccal et les gaz d'expiration sont évacués moyennant un robinet manuel à soupape de non-retour. Trois brevets de ce masque-groin se succèdent en passant de un à trois puis finalement quatre hublots (Photo 3), mais des difficultés relevées par les plongeurs l'ayant utilisé amènent Auguste Denayrouze, en 1866, à remplacer le masque-groin par un casque scaphandre traditionnel équipé du même embout buccal et du même robinet d'évacuation d'air vicié.

Le 5 septembre 1865 Rouquayrol et Denayrouze dépose un brevet pour une adjonction au scaphandre d'un sifflet avertisseur qui annonce un bas niveau de la réserve d'air et le 17 février 1866, le brevet d'un filtre en toile métallique qui empêche les particules marines de venir entraver le mécanisme du régulateur.

Par la suite Auguste Denayrouze en Janvier 1873 deux autres brevets: celui de la soupape Denayrouze à bouton-poussoir, sur lequel le plongeur peut appuyer par une pression de sa tête.

Puis celui du casque Denayrouze 1873 à trois boulons. Les trois boulons sont ceux qui tiennent l'habit de plongée en le pinçant entre le bonnet du casque et la pèlerine. L'arrivée d'air ne se fait plus par un embout buccal mais directement dans le casque, qui inclut toujours le robinet d'évacuation d'air vicié ainsi que, nouveauté, le bouton-poussoir, qui jouit d'un brevet indépendant. Un réservoir intermédiaire entre la pompe et l'espace clos du casque assure une régularité de l'apport d'air, ce qui protège les oreilles du plongeur des différences de pression générées par les à-coups des pompes traditionnelles qui jusqu'alors envoyait l'air directement dans les casques des scaphandriers.

De son coté, Louis Denayrouze, le frère d'Auguste dépose 3 autres brevets:

Le 2 juin 1872 : brevet de « l'Aérophore », un appareil qui à nouveau est destiné au sauvetage en milieu minier, doublé d'un brevet de lampe à pétrole étanche qui peut aussi être utilisée sous l'eau.

Le Février 1874 : brevet du « Cornet acoustique sous-marin », premier téléphone sous-marin permettant au plongeur de communiquer avec les équipages restés en surface.

Puis pour terminer en 1889, il dépose le brevet du casque Denayrouze à crochet. Il s'agit d'un système de fixation à crochet sans boulons. Plusieurs constructeurs adoptent ce système, mais il n'obtient pas le succès attendu car les plongeurs, habitués aux système de fixation par le biais de boulons, restent sceptiques quant à ce crochet. Ce type de scaphandre est celui que Tintin utilise dans la bande dessinée Le Trésor de Rackham le Rouge.

Le scaphandre de Rouquayrol et Denayrouze inspirera aussi Jules Vernes pour son ouvrage 20 000 lieux sous les mers.

Photo 2

Photo 3


Il manque au plongeur équipé d'un scaphandre autonome la possibilité de décoller du fond et d'évoluer en pleine eau. C'est Louis Marie de Corlieu, militaire français qui sera l'inventeur de la palme de plongée moderne.

 

Pour son premier prototype de palme de plongée moderne (Photo 4), il fit en 1914 une démonstration devant un parterre d'officier, dont Yves Le Prieur qui en 1926 allait inventer (et en 1934, perfectionner) une série de modèles de scaphandre autonome. En 1939, De Corlieu put commencer enfin la production en série de ses palmes, que jusque là il avait fabriquées dans son appartement de Paris. En cette même année de 1939, l'Américain Owen P. Churchill acheta une licence à De Corlieu pour les fabriquer aux États-Unis et commença a les commercialiser. Elles furent adoptées dès 1940 par l'US Navy et ses nageurs de combat qui les utilisèrent par exemple lors du Débarquement de Normandie.

Photo 4

En 1925, le commandant Yves Le Prieur assiste au Grand Palais à une démonstration que Maurice Fernez fait de l’un de ses appareils de respiration subaquatiques, alimenté en air de surface par une pompe. Il lui propose de remplacer sa pompe et son tube respiratoire par une bouteille d'air comprimé, la même utilisée par la société Michelin pour son kit de réparation de crevaison qui équipait alors les voitures. Ce système permettra d'offrir au plongeur l'autonomie et l'indépendance de la surface. Fernez accepta et en 1926 ils brevetèrent ensemble leur scaphandre Fernez-Le Prieur (Photo 5). Les apports de Fernez incluaient un pince-nez, des lunettes dites « lunettes Fernez » et une soupape de non-retour pour l'échappement de l'air d'expiration du plongeur. L'apport de Le Prieur fut un détendeur de plongée manuel (ou manodétendeur) qu'il avait conçu et couplé à la bouteille d'air comprimé. Le Prieur remplacera les lunettes et le pince-nez de Fernez par un petit masque à hublot, plus sûr, en 1931. Ce scaphandre à valves manuelles pouvait fournir de l'air à deux plongeurs et délivrait de l’air uniquement à pression constante et en fonction de vannes commandées à la main.

Photo 5

En 1935 Georges Commeinhes dépose le brevet pour un appareil respiratoire destiné aux pompiers. il associe le détendeur Rouquayrol et Denayrouse et la bouteille Le prieur.

Puis en 1937 il  sortira une version amphibie qui sera agrée par la marine nationale.

Il faudra attendre 1942 pour que  Georges Commeinhes dépose un brevet d'appareil de respiration autonome en milieu liquide, sous pression, qu'il nomme GC 42 (Photo 6).

Le scaphandre est caréné, comportant deux bouteilles de 4 ou 5 litres,un détendeur à membrane, un manomètre de pression, une alarme sonore. Avec ce scaphandre novateur il va faire une plongée à Marseille à la profondeur de 53 mètres le 30 juillet 1943.

Photo 6

 Pendant ce temps sous l'occupation allemande, à Paris, un certain Émile Gagnan adapte le régulateur Rouquayrol-Denayrouze à l'alimentation des moteurs de voiture qui fonctionnent au gaz, suite à la pénurie de carburant qui se faisait ressentir très durement (Photo 7). Il déposa à cette fin le brevet de son propre détendeur, miniaturisation du détendeur de Rouquayrol et deDenayrouze fabriquée en bakélite

À cette époque le patron de Gagnan était Henri Melchior, ancien amiral de la Marine nationale devenu directeur de la société Air liquide. La fille de Melchior était Simone Melchior, épouse de Jacques-Yves Cousteau, un enseigne de vaisseau qui depuis sa rencontre avec le Capitaine de Corvette Philippe Tailliez, cherchait à perfectionner l'appareil autonome de plongée sous-marine inventé par le Commandant Yves Le Prieur. Lorsque Melchior prit connaissance de l'invention de Gagnan, il en parla immédiatement à son gendre, Cousteau, et les deux hommes se rencontrèrent à Paris en décembre 1942. Deux mois plus tard le prototype, muni d'un seul tuyau annelé, fût testé dans la Marne par Cousteau (photo 8). Mais celui-ci ce trouva dur à l'inspiration tête en bas et fusant tête en haut et il fallait donc être en position horizontale pour respirer correctement. Cousteau suggéra quelques modifications dont un second tuyau annelé pour ramener l'expiration contre la membrane pour compenser les différences de pression. Retour à l'atelier... et le détendeur de Gagnan fût testé en mer avec succès en juin 1943, à la plage du Barry à Bandol. Les participants furent Philippe Tailliez, Frédéric Dumas et Jacques-Yves Cousteau (Photo 9), les futurs mousquemers.

 

Photo 7

 

 


Photo 8

 

 

 

Photo 9

En 1944 Georges Commeinhes décède lors de la libération de Strasbourg et son détendeur sombrera dans l'oubli au profit de l'invention de Gagnan et Cousteau.

Cousteau et Gagnan (Photo 10) brevetèrent leur invention en 1945 sous les noms de « Scaphandre Cousteau-Gagnan 1945 ou CG45 »  et « Aqualung », pour l'exportation. La commercialisation elle-même débuta l'année suivante, le 26 MAI 1946 avec la création de la SARL "La sprirotechnique" , filiale de Air Liquide, qui devant le succès de la commercialisation du CG 45 deviendra SA "La spirotechnique" en 1951.


Photo 10

Le logo de la marque (Photo 12) fût directement inspiré de cette photo historique de 1943: la barre du Dalton (Photo 11). L'épave repose juste devant le quai du phare de l'ile de Planier au large de Marseille.
Cette photo a été prise pendant la réalisation du film ÉPAVES, premier film tourné en scaphandre autonome Air liquide, offrant les premières séquences sous-marines en Méditerranée.
Aujourd'hui, la roue n'existe plus, mais la poupe et l'hélice du bateau sont magnifiquement recouvert de gorgones pourpres. Mais revenons un peu sur la naissance du scaphandre autonome...

   

Photo 11                                                                                 Photo 12

Pour le plaisir, ... le graal de tous les collectionneurs, le prototype du CG 45 en 6 photos. Elles m'ont été transmises par Jacques Chabbert, qui les tiens de Manuel Cabrère d'Aqualung.

L'heureux propriétaire étant Aqualung, il s'agirait du seul exemplaire parvenu jusqu'à nous mais des rumeurs courent qu'un second exemplaire existerait ...

 

 

 

 

 

 

 

 

      Cousteau en train de                                        Narguilé CG43

        Gréer son CG43


Frédéric Dumas


Frédéric Dumas

Une brochette d’embouts Fernez


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CG43 ou scaphandre air liquide